Nous quittons Aumont-Aubrac plus tôt qu'à l'habitude après quelques courses pour la pause casse-croûte : une grosse miche de pain, du saucisson et des fruits qui en plus du fromage et du chocolat constitueront une future pose agréable.
D'entrée, nous suivons la D987 sur 6 km en lieu et place du GR 65 qui rajoute plus de 2 km à la distance du jour àette étape qui est la plus importante depuis le départ. Mais, entre temps un coup de téléphone de l'ami Daniel, qui lui progresse sur la voie de Tours a fait 35 et 42 km pour commencer montre que c'est possible.
La lente montée du début conduit aux mêmes paysages qu'hier : prairies entrecoupées de pins et de bruyères. Au bout de 2 heures de marche, toujours aucun signe du plateau dénudé et balayé par les vents, aucune vache, aucune croix distinctive.
Nous n'allons pas être déçus, la méteo annonce un vent soutenu avec rafales et une température autour de 5 degrés. Nous ne l'avions pas bien senti jusqu'ici mais il va devenir de plus en plus sensible au fur de la progression,
À cette période de l'année seuls les premiers signes du printemps se font jour sur l'Aubrac, quelques timides chrocus blancs percent. La progression est agréable sur ces chemins bordés de murets. L'eau est abondante tant sur le chemin que dans les près.
Nous ferons la pause déjeuner au Rieutor situé 6 km avant Nasbinals. C'est un village typique de l'Aubrac avec ses belles maisons en pierre au toit de lauze, des abreuvoirs à fontaine pyramidale et cuves de granit. Seul le four à pain qui menace ruine avec une parite du toit déjà tombé mériterait une restauration. Une des rares cabines téléphoniques encore existante trône à la sortie du village et tranche avec l'aspect hors du temps de ce village.
Le genou de Cathy qui nous accompagne dans cette longue étape donne des signes alarmants quant à la poursuite de la marche. Arrivés sur la route départementale, elle est secourue par un camionneur qui la transporte jusqu'à Nasbinals. Il nous faudra près d'une heure pour la retrouver bien au chaud dans un bar derrière l'église Sainte Marie. C'est un fleuron de l'art roman en Aubrac caractérisé par la polychromie de ses matériaux, son clocher octogonal et la voûte de la nef en ogive.
Après une courte pause qui nous permit de déguster la bière locale : l'Aubrac c'est l'heure de repartir vers la fin de l'étape Aubrac. Nous ne savions pas jusqu'ici pourquoi de nombreux écrits parlent des dangers de ce plateau, nous allons le découvrir lors des 9 derniers kilomètres de l'étape avec un vent renforcé et plus froid. Les premiers kilomètres ne sont que du plaisir et nous conforte sur le choix du GR au lieu de la route, avec un chemin qui serpente au travers des pins. Hèlas, dès la sortie des pins nous retrouvons le plateau balayé par les vents mais en plus la neige fait son apparition sur les bords du chemin. Pour l'heure point péril en la demeure, il est possible de marcher au sec. Le tracé du chemin contourne des propriétés et conduit à des détours et de rudes montées. La neige se fait de plus en plus présente. L'eau sourd de toutes parts et constitue la deuxième difficulté condusant à d'autres petits détours. Le chemin continue de monter, le vent est bien plus fort. Au loin, devant nous, nous voyons deux marcheurs qui progressent plus lentement et nous indiquent le bon chemin. Après les avoir rattrapés nous découvrons que ce sont des Hollandaises qui feront étape aussi à Aubrac. Nous les dépassons et continuons notre progression. Des traces du GR doivent être sous la neige et induisent le trouble sur le bon chemin.
Grace au GPS et la carte d'état-major nous éviterons des hectomètres en trop. Une dernière montée et enfin nous voyons en contre bas le sommet du toit de l'église d'Aubrac. Après une rapide descente nous arrivons au village et au seul lieu qui offre gîte et couvert depuis hier début de la saison, l'hôtel de la Dômerie. La propriétaire nous explique que la population du village a progressé ces dernières années en passant de 4 à 7 âmes. Nous aurons un excellent dîner à base de salade de gésiers et côtelettes d'agneau à l'aligot, et surtout une omelette norvégienne en guise de gateau d'anniversaire.
Aubrac fut célèbre pour sa dômerie. Ce fut d'abord un refuge pour les pèlerins en route pour Saint-Jacques de Compostelle. Le village connait son apogée chaque année avec la fête de la transhumance en mai.
La traversée de l'Aubrac était particulièrement périlleuse en raison des tourmentes de vent ou de neige qui pouvaient surprendre le pèlerin. En 1120, Adalard, seigneur des Flandres et pèlerin faillit ainsi périr en traversant les plateaux de l'Aubrac. La tour de l'église renferme la cloche Maria, dite la « cloche des perdus ». A l'aller, il est attaqué par une horde de brigands détroussant les voyageurs. Et, au retour, il est surpris cette fois-ci, par une tempête de neige. Il promis de « bâtir en ces lieux une maison de refuge, pour le voyageur et de chasser de ces montagnes les voleurs qui les infestaient ». La construction du monastère pour venir en aide aux pèlerins dans cette contrée sauvage débute vers 1120. L'hôpital et le monastère furent soumis à la règle de Saint-Augustin. Les chevaliers de l'Ordre des Templiers étaient chargés de la protection des pèlerins. En 1353, le monastère se dota d'une tour haute de 30 m destinée à lutter non seulement contre les routiers qui infestaient la région mais aussi pour se protéger des exactions infligées par les Anglais. D'où son nom de Tour des Anglais.
On peut y lire l'inscription suivante :
"Jubile pour Dieu,
Chante pour les clercs,
Chasse les démons,
Rappelle les égarés".
La Dômerie d'Aubrac fit construire une léproserie à Condom-d'Aubrac en bordure des forêts de hauts alpages.
« Sur une rude et haute montagne d' Auvergne, couverte de neige et de brouillards pendant huit mois de l' année, on aperçoit un monastère, bâti vers l' an 1120, par Alard, vicomte de Flandres.Ce seigneur, revenant d'un pèlerinage, fut attaqué dans ce lieu par des voleurs ; il fit voeu, s' il se sauvait de leurs mains, de fonder, dans ce désert, un hôpital pour les voyageurs, et de chasser les brigands de la montagne. étant échappé au péril, il fut fidèle à ses engagements, et l' hôpital d' Albrac ou d' Aubrac s' éleva in loco horroris et vastae solitudinis , comme leporte l' acte de fondation. Alard y établit des prêtres pour le service de l' église, des chevaliers hospitaliers pour escorter les voyageurs, et des dames de qualité pour laver les pieds des pèlerins, faire leurs lits, et prendre soin de leurs vêtements. Dans les siècles de barbarie, les pèlerinages étaient fort utiles ; ce principe religieux, qui attirait tous les hommes hors de leurs foyers, servait puissamment au progrès de la civilisation et des lumières. Dans l' année du grand jubilé, on ne reçut pas moins de 444500 étrangers à l' hôpital de Saint-Philippe-De-Néry, à Rome ; chacun d' eux fut nourri, logé et défrayé entièrement pendant trois jours. Il n'y avait point de pèlerin qui ne revînt dans son village avec quelque préjugé de moins et quelque idée de plus. Tout se balance dans les siècles ; certaines classes riches de la société voyagent peut-être à présent plus qu'autrefois, mais d'une autre part, le paysan est plus sédentaire.»
Extrait tiré du Génie du Christianisme de Chateaubriand
Magnifique, c'est un plaisir de voyager avec vous assis sur mon canapé je bois à votre santé! Bisous
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